La fiche du film Portrait extrêmement sensible d'une musique et de ses acteurs, "Inside Out in the Open" était présenté en Europe le 19 décembre à Hasselt (Belgique), en présence de son réalisateur Alan Roth. A cette occasion, nous avons eu un long entretien avec lui afin de mieux comprendre sa démarche. En voici la première partie. Suite et fin la semaine prochaine. (Le film n'est pas encore distribué)
Alan Roth, sagit-il de votre premier film ? De mon premier long documentaire. Précédemment, j'avais fait des courts métrages, sortes de travaux pratiques qui mont permis de trouver ce qui comptait vraiment pour moi. En fait, tout a démarré comme un simple projet de fin d'études dans une école de médias newyorkaise. Je lai retravaillé et complété et maintenant il a sa vie propre. Comment lavez-vous financé ? Une grande partie du travail a été faite à lécole, cest donc largent que je payais pour les cours qui a financé les travaux prélimianires. Ensuite il y a eu la famille, et finalement Les cartes de crédit. Mais ça se passe souvent comme ça pour ce genre de productions. Jespère quil me sera plus facile de trouver des subsides pour mes projets à venir. Mais aux Etats-Unis, ça reste très difficile. Ça ne lest pas moins ici Sûrement. Mais aux Etats-Unis, depuis quatre ou cinq ans, est venu s'y ajouter un autre phénomène : une grande partie de largent qui passe habituellement dans le jazz a été engloutie en partie dans le projet de Ken Burns, le documentaire en dix épisodes pour PBS. Du coup, il a été beaucoup plus difficile pour les autres de trouver de largent. PBS n'a pas produit la totalité de la série ? Non, il y a eu aussi General Motors, diverses fondations Cétait si cher ? Après tout, il y a surtout un travail de présentation d'archives Cest un budget de 14 millions de dollars. Pour un projet critiqué Jai commencé à travailler sur mon projet en 1997 : recherches, quelques prises de vues je navais aucune idée, à cette époque, quil existait un projet aussi ambitieux que celui de Burns. Et jignorais donc que cette série serait aussi critique envers la musique à laquelle je mintéressais, moi. Dune certaine manière, ça ma aidé. Mon film est sorti après le sien, à un moment où d'aucuns cherchaient un discours objectif, ou au moins positif, sur la période de gestation du free jazz. Mais notre approche est très différente, bien sûr. Est-il envisageable que PBS diffuse votre film ? Je vais essayer d'y arriver en tout cas. Ça prendra du temps, mais si les réactions à mon travail sont positives, dans la presse jazz par exemple, ce nest pas impossible. Mais mon film pose un problème : il est beaucoup plus "lent" que celui de Burns, et les programmateurs ont toujours peur que les gens ´ décrochent ª vite. Mon film est plus ´ bio ª, il lui faut du temps pour se déployer. Il fonctionne mieux en salle. La forme même du récit est différente Oui, chez Burns, on conte une histoire, ça tient davantage de lencyclopédie : un narrateur et des images qui bougent. Les gens sont habitués à cette forme, qui permet de dramatiser les choses. Dans mon film, on parle dune musique au travers de ceux qui lont faite au fil des ans, ce sont eux les commentateurs. Je voulais trouver un langage documentaire dans lequel je me sentirais à laise, et je me suis aperçu quil était finalement très proche du concept même de cette musique. Comment vous êtes-vous intéressé à cette musique, au free jazz ? Jai grandi à Cleveland, dans lOhio. Mes parents écoutaient du jazz, jai grandi dans cette musique. A ladolescence, mes intérêts musicaux allaient de John Cage au jazz en passant par divers compositeurs contemporains et ce qui est ensuite devenu la ´ World Music ª. Je me suis toujours intéressé à ce qui était différent. Politiquement, jai rapidement évolué vers la gauche. Et les choses se sont imbriquées. Je suis venu au free jazz à la fin des années 1980, au travers dune radio universitaire de Cleveland. Il y a donc des radios universitaires qui diffusent ce genre de musique ? Ce sont les seules ! Aux Etats-Unis, la plupart des stations de jazz appartiennent au réseau public La NPR ? Oui, et ses affiliées. Et ces gens-là sont en général beaucoup moins ´ aventureux ª dans leur programmation. Aujourdhui, aux Etats-Unis, si vous voulez écouter Cecil Taylor, vous avez plus de chance de lentendre sur une radio universitaire, diffusé par un jeune de 24 ans, que sur une station jazz publique. Comment s'est poursuivie votre découverte du free ? Mon intérêt est allé croissant. Le free jazz avait quelque chose qui ´ me parlait ª. Par son ouverture, par son travail sur la durée qui donnait à chaque concert valeur de voyage A cette époque, je travaillais pour la Poste. Pour payer vos études ? Non, cétait mon vrai travail ! Javais arrêté les études après le lycée, et il mavait fallu trouver un emploi. La Poste avait lavantage dêtre un travail relativement stable à laune des Etats-Unis , plutôt bien payé Et parallèlement, je mintéressais à la politique, aux arts ´ La politique ª, ça voulait dire quoi ? Les mouvements nés pendant la guerre du Viet-nâm, anti-guerre, qui ont évolué en mouvements anti-apartheid, puis en mouvements de défense des travailleurs Jai été représentant syndical à la Poste, par exemple. Je représentais notre section au niveau central Quel syndicat était-ce ? LAmerican Postal Workers Union. Affilié à lAFL... Oui. Et en même temps, je mintéressais à lart, à la musique, aux films -- en tant que spectateur. Je mintéressais plutôt au travail des indépendants, à ce qui venait dautres pays, à l'expérimental Il y avait une continuité dans ma vie et mes choix. Jai toujours été marginal. Quel type de jazz vos parents écoutaient-ils ? Ils étaient plus ´ conservateurs ª : plutôt Sarah Vaughan... Ils étaient allés voir Art Tatum quand il était passé à Cleveland, Nat King Cole Les big bands Plus Basie et Ellington que Tommy Dorsey Ils sintéressaient davantage aux jazzmen noirs. Comment êtes-vous passé de cette musique au free jazz dans les années 1980 ? Les enfants écoutent la musique de leurs parents jusquà un certain point puis, soudain On trouve toujours quelque chose à quoi sidentifier et qui diffère de leurs goûts. Un beau jour, vous avez abandonné votre emploi à la Poste... A la fin des années 1980, la vidéo est devenu à la portée de tous. Jai acheté une caméra. Au lycée, javais déjà fait de la vidéo avec une caméra super-8. Jai commencé à travailler avec des danseurs, des musiciens, à enregistrer ce quils faisaient Et les gens aimaient bien ma vision des choses. Quand on commence à avoir des réactions positives, on se dit qu'on a peut-être un talent à développer... Plus je filmais, plus je me disais que jaimais faire ça. Travailler à la Poste, c'était lasécurité financière, mais c'était aussi un certain emploi du temps, que j'aurais pu répéter à l'infini ou presque A un certain moment, il est devenu difficile de faire les deux. J'ai songésérieusement à la possibilité de changer complètement dorientation. Je suis retourné à lécole pour passer mon diplôme de fin détudes puis, en 1995, jai coupé le cordon ombilical en démissionnant, et en partant pour New York pour poursuivre mes études à la New School. Parlez-nous de la naissance de votre projet "Inside Out"... Juste avant mon départ pour New York, une radio de Cleveland a fait venir Charles Gayle, William Parker, Peter Brötzmann Jai eu enfin la possibilité de les entendre en personne et de discuter un peu avec William Parker. A mon arrivée à New York, ces gens-là jouaient un peu partout ! Cétait en 1995, il y avait alors beaucoup de lieux qui ont fermé depuis. Par exemple le Cooler, dans la 14e Rue Ouest. Juste après mon arrivée et pendant un mois, ils ont fait toute une série de concerts gratuits le lundi soir. Rashied Ali supervisait le programme. Il y a eu des rencontres étonnantes : William Parker-Rashied Ali-Charles Gayle par exemple. Une formation qui aurait pu survivre Il y avait aussi la Knitting Factory... Tout ça ma donné la possibilité de discuter avec ces musiciens, de sympathiser avec eux. Mais à cette époque, je ne pensais pas que je finirais par faire un documentaire avec eux. Finalement, à lécole, jai dû choisir un sujet pour mon projet de fin détudes, et je me suis dit que jadorais cette musique, quil ny avait finalement pas grand chose sur elle historiquement, et quil serait bien que je fonce. A lépoque j'étais certain que jallais faire LE documentaire sur le free jazz ! C'était particulièrement ridicule bien entendu, je lai compris après. Jai commencé à me documenter, à lire tous les livres que je pouvais trouver : Amiri Baraka-LeRoi Jones, ´ Blues People ª Vous navez pas lu ´ Free Jazz-Black Power ª de Philippe Carles et Jean-louis Comolli Non, je ne crois pas quil ait été traduit hélas. Mais jai lu les livres sur limprovisation africaine de Francis Bebey, et bien dautres. Je suis allé aussi souvent que je lai pu à lUniversité de New York, qui a une belle collection de vidéo, et jai regardé tout ce que jai trouvé sur le sujet. Puis, en 1997, il y a eu le Vision Festival. Jy ai assisté avec ma caméra Hi-8, et jai filmé des passages, pendant tout le festival. Jai beaucoup discuté avec les musiciens, je me suis entièrement immergé dans mon projet. Jai réfléchi à la manière dont on pouvait filmer cette musique. Comment avez-vous déterminé la forme ? Aviez-vous un concept préalable, ou bien lavez-vous bâti au fur et à mesure que vous filmiez ? Je suis toujours resté très ouvert à ce qui se passait. Jai beaucoup filmé, tout en cherchant à clarifier ce que je voulais dire. Jai rencontré beaucoup de musiciens, nous avons discuté devant un magnétophone de ce que javais tiré des ouvrages que javais lus, nous avons tout mis à plat. Mais je nai jamais eu de script. Je navais pas didée préconçue sur lenchaînement des interviews Il mest apparu que beaucoup de choses entraient en ligne de compte dans le fait qu'une musique ´ arrive ª. On peut dire que cette musique a été ce quelle a été dans les années 60 parce que cétait les années 60, parce qu'on y accordait une importance plus grande à la politique, etc. Mais ce nest quune partie des choses déterminantes. Je me suis mis à travailler de manière "circulaire", avec différentes idées, différents concepts, que jai commencé à cristalliser. Nous nous sommes rendus compte à un certain moment que, dans les interviews, les musiciens finissaient par faire ressortir ce quils voulaient mettre en avant. Il marrivait de poser des questions, dattendre une certaine réponse,et de voir que ça partait dans une toute autre direction. Mais j'ai laissé faire, je n'ai jamais tenté de ramener sur mon propre terrain. Il nest pas difficile de faire dire à quelquun ce quon veut. Mais ce nétait pas ce que je voulais. Au bout dun moment, je me suis retrouvé avec des piles de bandes, et c'est alors que jai choisi dorganiser le film par grand concept. Jai réfléchi à la musique qui fonctionnait au mieux avec tel ou tel passage... Comment avez-vous décidé du rapport entre parole et musique ? Je ne crois pas mêtre dit à un moment ´ je veux quils parlent plus quils ne font de musique ª, ou linverse. Jai réalisé que dans un documentaire, quand on traite dhistoire et didées en gérant onze interviews demusiciens, à moins de disposer de 90 minutes -- et encore --, on risque de ne pas leur laisser assez de temps pour quils sexpriment. Il mest vite devenu évident quil y aurait davantage de place accordée à la parole. Dautant que certains des musiciens nétaient pas très connus, et que c'était l'occasion de leur apporter une certaine reconnaissance. Le fait de ne disposer que de 60 minutes ma dicté certaines limites. Ce qui a été frustrant, quand on sait qu'il arrive parfois quun thème dure plus de 40 minutes et que je nai dû en conserver que les 40 dernières secondes Mais il reste comme un parfum diffus Alan Roth, selon quels critères avez-vous choisi dinterviewer ou filmer tel ou tel musicien ? Jai décidé de rencontrer des gens actifs dans les années 1960, des musiciens de la première génération, puis daller jusquà la génération actuelle la troisième quasiment. Ainsi, il y a une notion de continuité, on ne fait pas un film ´ musée ª sur ´ le bon vieux temps ª. Ensuite, les critères complémentaires ont été assez simples : jai choisi ceux qui étaient dans la région newyorkaise, qui mintéressaient bien sûr, qui était joignables et interviewables même si ce nétait que pour une petite conversation informelle non enregistrée En fait, beaucoup dintuition entre en jeu dans le choix des personnes. Parfois, un musicien en a suggéré un autre Et puis, il y a le hasard. Ainsi, javais beaucoup lu sur John Tchicai que jai vu apparaître de manière inattendu, en invité surprise, au Vision Festival en 1997. Je lai filmé, je me suis laissé porter par sa présence, sa musique. Ce nest quaprès que je me suis dit que je devrais approfondir les choses avec lui. Pour Roswell Rudd, un autre musicien me la suggéré. Il est venu à la Knitting Factory jouer en trio la musique de Herbie Nichols. Je suis allé lécouter, puis je suis passé dans les coulisses et je me suis présenté. Or, dans les coulisses, il y avait aussi Burton Greene, qui était venu lui rendre visite. Je navais jusque-là aucune intention dinterviewer Burton, mais il ma entendu parler du projet et voilà ! En revanche, javais prévu dinterviewer Alan Silva Ce nest quaprès coup que jai réalisé que je pouvais désormais faire un documentaire avec deux paires de musiciens ayant joué dans les années 1960, et représentant deux groupes extrêmement différents : le New York Art Quartet avec Roswell et John , formation orientée ´ écriture ª, et le Free Form Improvisation Ensemble avec Alan et Burton totalement opposé à lécriture Javais donc deux aspects de la période des années 1960. Jen suis donc arrivé à ne mentionner que deux groupes particuliers, mais ce nétait pas prévu à lorigine : ça été une évolution du projet. Vous navez tourné quà New York ? Essentiellement. Cétait plus facile. Noublions pas que jy faisais mes études. Mais je suis aussi allé à Cleveland jy vais souvent, ma mère y habite , en 1998. Le groupe In Order to Survive William Parker, Cooper-Moore, Susie Ibarra et Rob Brown faisait alors une tournée dans le Midwest, et au détour dune conversation avec eux jai appris quil devait se produire à Cleveland le week-end où jy étais. Jai pris une caméra et je les ai retrouvés Six mois plus tard, ils jouaient à Sarah Lawrence, où je suis allé, et où jai tourné aussi. Jai aussi passé beaucoup de temps avec Other Dimensions in Music Roy Campbell, William Parker, Rashid Bakr, Daniel Carter, et Matthew Shipp, qui jouait beaucoup avec eux à cette période. Je les ai filmés au aux Context Studios de New York, puis à la George Washington University à Washington D.C. pendant lété. Et enfin, il y a eu linterview de John Tchicai, qui vivait alors en Californie il vient de sinstaller dans le sud de la France et celle dAlan Silva, qui vivait alors en Allemagne. Vous avez fait votre film : avez-vous obtenu votre diplôme ? Oui, en mai 1999. Je suis maintenant un sans-emploi titulaire dune maîtrise, et je ne men sors quen travaillant un peu en free-lance. La vie est difficile quand on ne veut pas prendre un emploi régulier. De plus, léconomie des médias à New York est en crise. Il faut se battre. Que vous a apporté ce film ? Un grand sentiment dappartenance à un groupe pendant tout le tournage Il se passait quelque chose au niveau de la pensée. Nous avions des choses en commun, nous parlions le même langage, nous étions tous des excentriques similaires. Et les musiciens, avaient-ils quelque chose en commun ? Ce sont tous de très fortes personnalités. En fait, ce quils ont en commun, c'est qu'ils sont uniques ! Ils sont tous très différents, mais ils sont tous très chaleureux, très ouverts, très amicaux Sur quoi les avez-vous interrogés ? On est toujours parti de leur histoire : comment ils sétaient retrouvés à faire de la musique, comment ils en étaient venus à cette musique-là, quel sens cette musique avait dans leur vie. ce que cétait que ´ jouer ª de la musique improvisée, ce que signifiait travailler collectivement en musique, etc. Bien sûr, certains ont répondu mieux que dautres sur tel ou tel point Mais quand on fait des interviews, il y a toujours ceux qui parlent lentement, à qui il faut beaucoup de temps pour sexpliquer, et dont on peut difficilement utiliser les propos. Jai cherché à les intégrer au mieux à cette nouvelle improvisation collective : le documentaire. Jai pris toutes les réponses, jai vu quen les rassemblant, parce quelles étaient différentes, on en arrivait à couvrir collectivement tout le champ. Mais cest un processus difficile. La seule chose quon peut espérer quand on fait ce travail, cest que le musicien, au bout du compte, ne soit pas irrité par le résultat. Ils ont tous vu votre film ? Oui. Certains laiment, dautres ladorent : Burton Greene, Alan Silva Dans quel esprit avez-vous filmé : celui dun archiviste-historien qui cherche à enregistrer temoignages et informations, ou bien celui dun cinéaste transcrivant une réalité au travers de sa propre écriture ? Jai toujours eu une ´ écriture ª personnelle. Ma manière de jouer avec ce petit rectangle de lumière sest forgée au fil des expériences. Je ne fais pas des images équilibrées au sens classique du terme. Je suis attentif à ce qui se passe dans ce rectangle, en particulier dans les concerts. Je me demande toujours de quelle manière ces images fonctionnent par rapport à ce que jentends. Comment puis-je, par mon regard, refléter ce quils sont en train de jouer ? Moi aussi je prends des risques. Je peux faire des gros-plans, ou des images floues si je trouve ça plus intéressant visuellement. Et pour les interviews, comment avez-vous travaillé ? Les interviews ont été faites de manière plus conservatrice. Quand cétait possible, en particulier à New York, où je pouvais avoir les Betacam de lécole, un ami maccompagnait pour soccuper de limage, tandis quun autre faisait le son, ce qui me permettait de me concentrer sur linterview. Dautres fois, surtout lété et hors de New York, jétais seul. Votre film nest pas encore distribué ? Non, cette année, je le montre dans les universités, dans les festivals, je cherche à attirer lattention dessus. Je pense que ça facilitera la suite, la recherche de distributeurs. Et vous travaillez déjà sur le documentaire suivant Oui, cest ce que jappelle ´ le documentaire inattendu ª ! Tandis que je travaillais sur le premier montage de Inside Out in the Open, John Tchicai ma passé un coup de fil énigmatique : ´ Nous allons nous réunir. ª Il parlait du New York Art Quartet. Or, jétais frustré, à lissue du montage, de navoir pas pu parler davantage des années 1960 dans Inside Out in the Open. Je me suis alors dit quil y avait là un groupe témoin de ces années-là et que javais ainsi loccasion de continuer à travailler sur ce sujet, de combler les vides que javais moi-même laissé. Je leur en ai parlé, ils mont donné leur accord. Ce second film sera évidemment dun style complètement différent. Cette fois-ci, je vais plutôt du côté du cinéma vérité. La veille de leur premier concert, en juin 1999, ils se sont tous retrouvés pour dîner dans un appartement de West Village à New York : Milford Graves, Roswell Rudd, John Tchicai, Reggie Workman, qui avait été leur dernier bassiste, et Amiri Baraka. Jétais là, avec deux caméras et un ingénieur du son. Cétait la première fois depuis 1965 quils étaient tous ensemble dans la même pièce au même moment ! Ils ont dîné et bavardé Fascinant. Une grande partie de cette soirée se retrouvera dans le documentaire. Je les ai suivis sur scène, dans les coulisses Je les ai filmés à Banlieues Bleues, et au Portugal en août dernier. Maintenant que vous avez filmé cette rencontre et les concerts de New York, Banlieues Bleues et Lisbonne, que vous reste-t-il à faire ? Des interviews plus formelles avec chacun. Et il y a aussi dautres personnes que jai lintention dinterviewer à propos de 1964 : Jai déjà un bout dinterview avec Steve Lacy Lavantage de ce projet, cest quil se concentre sur la période 1964-65, à New York. Ce film aura pour sujet principal quatre ou cinq individus qui avait alors une vingtaine dannées, qui en ont aujourdhui une soixantaine, dont les existences ont divergé, mais qui continuent dêtre créatifs. Et leurs retrouvailles près de quarante ans plus tard nont plus rien à voir, musicalement, avec ce quils faisaient à lépoque. Il y a donc de très belles histoires à raconter. Je voudrais le faire en 2002. Ensuite, je mécarterai de la musique pour faire un long documentaire sur la politique et léconomie de la mondialisation, du point de vue du Tiers-Monde.
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